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Sur la route des hommes célèbres : Jules Renard (1- Biographie)

Jules Renard est l’un des plus grands écrivains Français. Il est aussi "l’enfant de Chitry". Retour sur une vie profondément marquée par son existence en Bourgogne

Jules Renard (1864-1910)

Il est neuf heures du matin le 22 février 1864 lorsqu’Anna-Rosa met au monde Pierre-Jules Renard, fils de François Renard à Chalons-du-Maine en Mayenne. La profession de François, qui est entrepreneur de travaux, le con-duit à vivre avec sa famille bien loin de sa Nièvre natale où sa elle vit depuis plusieurs générations. Lorsqu’il revient “au pays”, l’enfant a déjà deux ans. Le couple s’installe avec Amélie (née en 1859), Maurice (né en 1862) et Jules à Chitry-les-Mines, petit village nivernais situé à quelques kilomètres de Corbigny. François vient d’acheter une maison, un habitat confortable, un lieu idéal pour vivre avec les siens dans le pays de ses ancêtres. Mais l’amour maternel n’est pas au rendez-vous. Si son frère et sa sÅ“ur sont les enfants de l’amour, le petit Jules, lui, est dès les premiers instants de sa vie mal-aimé par Anna-Rosa. D’ailleurs, Renard puisera dans ce rejet maternel ses thèmes pour son Å“uvre à venir. Jules Renard restera toute sa vie attaché à cette terre nivernaise. Il aimera Chitry mais aussi Chaumot, deux villages situés côte à côte, le premier, sur la rive droite de l’Yonne et du Canal du Nivernais, le second sur la rive gauche. Dès l’âge de huit ans, le futur écrivain est inscrit au lycée de Nevers (aujourd’hui lycée Jules Renard) et il est pensionnaire. Puis il partira à Paris où il découvrira la capitale. Il obtient définitivement son baccalauréat en 1883. Cette année-là, Villiers de l’Isle Adam signe ses “Contes Cruels”, Maupassant “Une vie”, et Zola “Au bonheur des dames”. Renard, lui, n’émet qu’un seul souhait : devenir écrivain.

Vivre de sa plume
Vivre de sa plume, voilà un destin ! Pour l’heure, il lit, se documente, apparaît dans les cafés littéraires et collabore à des revues éphémères. Il signe du nom de Jules Renard des textes dans le “Gil Blas” et “La Presse” dès 1884. Installé rue Saint Placide il travaille déjà à “Crime de Village”. En novembre 1885, il doit quitter Paris pour Bourges afin d’effectuer son service militaire. L’année suivante paraît des “Roses”. En 1887, alors que les Parisiens voient émerger une drôle de Tour, combat d’un certain Gustave Eiffel, il devient précepteur. Il commence l’écriture de “Les Cloportes” et note les premières lignes de son célèbre “Journal”. En 1888, il publie “Crime de Village” et épouse Marinette (Marie Morneau). Le couple choisit de s’installer au 44 de la rue du Rocher. Renard en fait l’un de ses refuges ad vitae aeternam. Mais Chitry-les-Mines restera tout aussi fidèlement dans son cÅ“ur. D’ailleurs, un an plus tard, le petit Jean-François (Fantec) y voit le jour à Chitry. Jules Renard poursuit alors, entre deux lectures, la rédaction de son “Journal” et participe à la fondation du Mercure de France avec qui il collaborera énormément. Restent alors à venir ses plus grands textes, ceux qui s’inscriront à jamais dans la mémoire collective.

1890-1900 : Des écrits et des rencontres
La dernière décennie du XIXème siècle marque profondément son Å“uvre littéraire. A partir de 1890, il collabore au “Mercure de France”. Il fréquente Daudet, Barrès, Descaves puis Capus, Allais, Courteline, Tristan Bernard, Gide, Rodin, Goncourt et surtout Marcel Schwob. En 1893, il fera la connaissance de Claudel et Maeterlinck. Il signe tour à tour “Sourires pincés”(1890), “L’Ecornifleur” (1892), “La lanterne sourde”, “Coquecigrues” et “Deux fables sans morale” (1893). Entre temps, il goûte à nouveau aux joies de la paternité avec la naissance, de Julie-Marie (Baïe) née le 22 mars 1892. De 1894, on retient principalement son très beau “Poil de Carotte”. “Le Coureur de filles”, “Le Vigneron dans sa vi-gne”(publié au Mercure de France) datent aussi de cette année et il est élu à la Société des Gens de lettres. 1895 marque le début de son amitié avec Edmond Rostand un an avant sa grande rencontre avec Lucien Guitry. En 1896, sort “La Maîtresse”. Alors qu’il fréquente les théâtres et les salles de spectacles parisiens, il décide de louer comme résidence secondaire, à Chaumot, près de Chitry-les-Mines, un ancien presbytère datant du XVIIIème siècle. La bâtisse s’appellera désormais La Gloriette. 1897 est marquée par le suicide de son père, le 19 juin. Edmond Rostand signe “Cyrano de Bergerac” et Renard assiste à la première. L’Affaire Dreyfus, qui a éclaté quelques années auparavant, divise la société française. En 1898, les esprits ne se sont pas calmés et Emile Zola révèle ce qui est pour lui un véritable scandale. Il signe dans l’Aurore « J’Accuse… ! ». De son côté Jules Renard est également un ardent défenseur de Dreyfus. Dans ce contexte politique extraordinaire sortira la même année “Bucoliques”. L’écrivain triomphe aussi au théâtre avec sa pièce “Pain de Ménage”. La décennie sera enfin marquée par ses “Histoires Naturelles”.

Les “Histoires Naturelles” ? Juste des “Petits riens”...
Daniel Hénard a publié en 2000, aux Editions de l’Armançon, “L’Arche de Jules Renard” dans lequel il rapporte avec gourmandise une anecdote : “Lors d’une soirée chez Edmond Rostand, écrit-il, Jules Renard rencontre Sarah Bernhardt : - Que faites-vous en ce moment, Renard ? demanda Sarah. - Oh ! Très peu de chose. De petits riens, des histoires naturelles, des bêtes”. “Pourtant, écrit Daniel Hénard, trois mois plus tard, paraissait en librairie Histoires Naturelles, l’ouvrage qui, avec Poil de Carotte” a le plus fait pour la célébrité de son auteur”. Et d’ajouter : “face à l’immense actrice Renard (a) eu presque honte de ces “petits riens” qui naissaient sous sa plume. D’autant que pour les confrères croisés dans les salons parisiens, écrire sur les bêtes tenait de l’extravagance”. De nos jours, Histoires Naturelles reste un livre de référence, une vision unique, un petit bijou qui depuis 1896 ne cesse d’étonner le lecteur... En 1899, Toulouse Lautrec s’attachera même à illustrer les “Histoires Naturelles” de Jules Renard.

La politique locale et les honneurs
1900. Le monde se presse à l’Exposition Universelle à Paris. Renard, lui, voit partir Maurice son frère le 22 janvier. Le 2 mars, “Poil de Carotte” triomphe au Théâtre Antoine. L’auteur reste fidèle à la Nièvre et devient même Conseiller municipal de Chaumot. Il est également promu Chevalier de la Légion d’honneur le 15 août. En 1901, il rencontre, chez Léon Blum, Jaurès. A partir de 1904, il est élu Maire à Chitry-les-Mines. Un engagement qu’il honorera jusqu’en 1910. En 1907, il est élu à l’Académie Goncourt. En 1908, il publie “Nos frères farouches, Ragotte” chez Fayard et “Mots d’écrits” dans les Cahiers Nivernais. En 1909, la mère de Jules se noie dans le puits de “l’Ouche du Colombier”. Renard, qui, depuis 1904 a de fréquents soucis de santé, voit son état empirer. Sa dernière sortie au théâtre aura lieu le 1er février 1910, pour la répétition générale de “Chanteclerc”. Le dernier voyage à Chitry est fixé en février. Il rédige les toutes dernières lignes du “Journal” le 6 avril. l’écrivain s’éteint à 46 ans. Un 22 mai 1910. Enterré civilement à Chitry-les-Mines le 24 mai 1910, Jules Renard reste à jamais l’un des auteurs les plus marquants de sa génération.

La statue de Jules Renard et de son "Poil de Carotte" se trouve à Chitry au cœur du village.

A quelques pas de là, au cimetière , Jules Renard repose.
© Photos : Fabien Caron pour MP Reproduction interdite.

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